" Le point actuel sur l'utilisation de néonicotinoïdes dans la culture des betteraves".
Vous en avez beaucoup entendu parler récemment, avec des prises de position musclées, venant aussi bien du monde agricole que des opposants à leur utilisation.
Nous rappelons le contexte : les néonicotinoïdes sont des substances chimiques : Le clothianidine, l’imidaclopride et le thiamethoxame utilisés très largement en prévention de la jaunisse de la betterave, avec l'emploi de graines enrobées de substance lors de la plantation.
Or, il s'avère que ces substances sont extrêmement toxiques au plan neurologique, sur les populations d'hyménoptères, et en particulier, sur les populations d'abeilles. Des études ont par ailleurs montré que les abeilles étaient loin d'être les seules populations décimées par l'utilisation de ces produits.
Depuis quelques années, malgré la polémique engagée sur leur utilisation, des dérogations étaient accordées largement, permettant aux agriculteurs de s'émanciper d'éventuels problèmes de conscience.
Le 01 février 2022, une nouvelle dérogation était accordée, pour une nouvelle utilisation, sur une durée de 120 jours, mesure assortie d'une interdiction définitive en 2024, au plus tard.
Le 03 janvier 2023, la Cour de Justice Européenne jugeait illégale l'utilisation de ces produits, les estimant très dangereux pour l'équilibre de la biodiversité. Marc FESNEAU, ministre français de l'agriculture, annonce alors que la France renonce à autoriser l'utilisation de ces néonicotinoïdes.
Le 06 février 2023, suite à une manifestation d'agriculteurs à Paris, le même ministre annonce une indemnisation déplafonnée, ceci afin de rassurer les planteurs de betteraves, en cas d’épisodes de jaunisse en 2023.
A ce stade de négociation, l'on se rend compte de la puissance de certaines filières : car, malgré la conscience d'utiliser des produits extrêmement dangereux, l'argument financier l'emporte facilement. C'est un chantage pur et simple : si vous ne nous autorisez pas l'utilisation de ces produits, nous, les planteurs, déciderons de nous tourner vers d'autres types de cultures, plus rentables, et moins contraignantes. Alors, on met la tonne de betteraves à 40 euros, et l'on indemnisera sans limite les utilisateurs...
Raisonnement simpliste, que l'on aurait peut-être pu anticiper afin de mettre au point des alternatives, en temps utile.
Cela dit, il est certainement utile de distinguer les agriculteurs dans leur champ, utilisant les dits produits et contraints d'obéir à une logique productiviste, et l'agro-industrie, qui, en quelque sorte, tire les ficelles... Nous en voulons pour preuve l'édifiante histoire de Paul FRANCOIS, agriculteur de Charente, gravement intoxiqué en 2004, suite à l'utilisation du Lasso, de chez Monsanto. Non seulement, il a trainé en justice la firme en question, mais il a compris et démontré que l'agriculture moderne ne pourrait faire l'impasse d'une modification drastique de ses habitudes, en utilisant des substituts à ces produits chimiques. Et des solutions, il semble en exister, contrairement à certaines affirmations émanant du monde agricole.
"Je ne comprends pas qu'on continue à faire des dérogations, alors qu'on a tout ce qu'il faut pour faire différemment", a assuré mercredi 4 janvier 2023 sur France Info Jean-Marc Bonmatin, chimiste et toxicologue, chercheur au CNRS. Pour lutter contre la jaunisse de la betterave, le gouvernement veut autoriser une année de plus l'usage de néonicotinoïdes. Jugés responsables de la mort des abeilles, ils avaient été bannis en 2018. Jean-Marc Bonmatin explique que, selon l'Anses, il existe "22 alternatives aux néonicotinoïdes pour la culture de la betterave sucrière, dont quatre solutions sont applicables immédiatement"
Quelques réponses à certaines questions très fréquentes :
• Les agriculteurs avancent souvent cet argument : pas de risque pour les abeilles, car la betterave ne fleurit pas ! FAUX : les sols pollués par ces produits chimiques, contaminent les autres plantes avoisinantes, fleurs sauvages ou autres cultures non traitées, et vont intoxiquer les pollinisateurs que sont les abeilles, par diffusion dans l'environnement suite à l'utilisation agricole de ces produits.
• Le secteur betteravier est-il en danger ? Vues les difficultés rencontrées, on peut certes penser que le secteur est en crise, même si nos gouvernants sont prêts à le soutenir " quoi qu'il en coûte !". Il n'en demeure pas moins que la filière des bio-carburants intégrant de l'éthanol est vouée à se tarir à la fin de la décennie avec l'interdiction des agro-carburants entrant en concurrence avec des filières alimentaires.
Les pucerons et l'usage irraisonné des néonicotinoïdes ne sont donc pas les seuls écueils que rencontre la filière betteravière, mais, si rien n'est fait rapidement, les abeilles n'existeront plus que dans nos souvenirs".
24/02/2023
Philippe Neff Médecin en retraite Vice-président de Co-dirigeant de
Collectif Boult Environnement
Etienne Schvartz Médecin en retraite Collectif Bourgogne-Fresne